La Société Civile Immobilière (SCI) est un outil juridique et patrimonial très prisé des familles pour gérer, transmettre et protéger un bien immobilier. Toutefois, à l’issue de sa vie sociale, sa dissolution peut engendrer des tensions, en particulier entre héritiers. Lorsque la succession s’enchevêtre avec les conséquences de la dissolution d’une SCI, les différends peuvent devenir particulièrement complexes. Quelles conséquences juridiques et patrimoniales pour les associés ? Comment mettre fin aux litiges entre héritiers ? On fait le point.
Les raisons de la dissolution d’une SCI
La dissolution d’une SCI peut intervenir dans de nombreuses situations prévues par les statuts ou par la loi. Elle peut être volontaire, lorsqu’elle est décidée par les associés, ou imposée par des circonstances exceptionnelles.
Parmi les causes classiques, on retrouve notamment l’arrivée du terme prévu dans les statuts (généralement 99 ans), la réalisation ou l’extinction de l’objet social (par exemple, la vente du dernier bien immobilier détenu), la décision unanime ou majoritaire des associés (selon les modalités statutaires), ou encore la réunion de toutes les parts sociales entre les mains d’un seul associé, ce qui entraîne une disparition de l’objet social collectif.
La dissolution peut également résulter d’un jugement du tribunal à la demande d’un ou plusieurs associés, en cas de mésentente paralysante (article 1844-7 du Code civil).
Dans un cadre successoral, la disparition du ou des associés fondateurs peut aussi entraîner la nécessité de dissoudre la SCI, surtout si les héritiers ne souhaitent pas poursuivre l’activité.
Les conséquences de la dissolution pour les associés
La dissolution d’une SCI n’entraîne pas sa disparition immédiate. Elle marque le début d’une phase de liquidation. Cette phase vise à réaliser l’actif de la société, c’est-à-dire vendre les biens immobiliers ou les partager, et apurer le passif, c’est-à-dire payer les dettes sociales. Un liquidateur est désigné, souvent parmi les associés ou un professionnel (notaire, avocat), pour effectuer ces opérations.
À l’issue de la liquidation, les associés reçoivent un « boni » ou « mali » de liquidation, en fonction de ce qu’il reste une fois les dettes réglées. Ce boni constitue une répartition du solde actif, imposable pour chaque associé selon le régime fiscal de la SCI. Les droits de partage peuvent aussi s’appliquer au taux de 2,5 % (article 746 du Code général des impôts).
Pour les héritiers qui deviennent associés suite à un décès, ces conséquences sont importantes : ils doivent s’accorder sur la liquidation de la société, l’évaluation des biens, et le partage final. Ce processus peut raviver des conflits latents, en particulier dans les familles recomposées ou en cas d’intérêts divergents.
Pourquoi un litige peut survenir entre héritiers après la dissolution d’une SCI
Lorsque des héritiers se retrouvent associés d’une SCI dissoute, plusieurs facteurs peuvent être à l’origine de litiges. Le premier est l’interprétation de la valeur des biens immobiliers à répartir. Certains héritiers peuvent contester l’évaluation faite par le liquidateur, notamment si celle-ci impacte le montant de leur part.
Ensuite, les différends peuvent porter sur les modalités de partage du boni de liquidation. Si un héritier souhaite conserver un bien tandis que les autres exigent une vente, un blocage peut survenir. De même, les héritiers peuvent avoir des difficultés à s’accorder sur l’identité du liquidateur, surtout s’ils soupçonnent un manque d’impartialité ou une mauvaise gestion.
Par ailleurs, certains héritiers peuvent considérer que la SCI a été utilisée pour contourner les règles de la réserve héréditaire ou pour favoriser un héritier au détriment des autres. Dans ce cas, ils peuvent invoquer une atteinte à leurs droits successoraux ou engager une action en réduction (articles 922 et suivants du Code civil).
Enfin, la complexité des droits détenus sous forme de parts sociales, et non de biens en nature, peut entretenir la confusion entre indivision successorale et indivision sociétaire, ajoutant un niveau de difficulté supplémentaire à la résolution du conflit.
Comment résoudre les litiges entre héritiers après la dissolution d’une SCI
La première étape pour résoudre un litige entre héritiers est la tentative de conciliation. La médiation familiale, organisée avec un professionnel neutre, peut permettre de renouer le dialogue et d’aboutir à un accord. Cette solution est particulièrement adaptée aux SCI familiales où les relations personnelles sont souvent imbriquées aux enjeux patrimoniaux.
Si la médiation échoue, les héritiers peuvent faire appel à un notaire pour trancher les questions relatives au partage. En cas de désaccord persistant, une procédure judiciaire devient alors nécessaire. Le tribunal judiciaire, saisi par l’un des héritiers, peut ordonner le partage judiciaire (articles 840 et suivants du Code civil), voire statuer sur la désignation ou le remplacement d’un liquidateur.
Dans certains cas, un expert peut être désigné pour évaluer les biens, ou le tribunal peut autoriser la vente judiciaire d’un immeuble indivis afin de faciliter le partage (article 815-17 du Code civil). Le juge peut également ordonner l’attribution préférentielle d’un bien à un héritier si les conditions sont remplies (article 831 du Code civil).
Pour éviter que ces conflits ne s’éternisent, il est fortement recommandé d’anticiper la transmission et la dissolution de la SCI par une rédaction rigoureuse des statuts, en prévoyant par exemple des clauses de sortie, des modalités de valorisation des parts, ou encore des règles de vote spécifiques en cas de décès.
Tableau récapitulatif : Sources de litige entre héritiers et solutions possibles
Origine du litige | Exemples concrets | Solutions amiables | Recours judiciaires |
Désaccord sur l’évaluation des biens | Valeur jugée trop basse ou trop élevée | Expertise amiable, médiation | Expertise judiciaire, contestation de la liquidation |
Désaccord sur le partage du boni | L’un veut garder un bien, les autres veulent vendre | Partage par lots, attribution préférentielle | Partage judiciaire, vente forcée |
Conflit sur la gestion du liquidateur | Suspicion de favoritisme ou d’incompétence | Nomination par accord, recours au notaire | Désignation ou révocation par le juge |
Atteinte à la réserve héréditaire | Donation déguisée via la SCI | Dialogue encadré par le notaire | Action en réduction (C. civ. art. 922 et s.) |
Confusion entre indivision et parts sociales | Mauvaise compréhension des droits | Information juridique, acte notarié explicatif | Intervention du juge pour clarifier les droits |
La dissolution d’une SCI n’est pas la fin des problèmes juridiques : elle peut être le point de départ de tensions entre héritiers, surtout si les règles n’ont pas été clairement définies en amont. Entre évaluation des biens, partage du boni de liquidation, et conflits d’intérêts, les sources de litige sont nombreuses.
Toutefois, la médiation, l’intervention d’un notaire ou, en dernier recours, le juge peut permettre de trancher le conflit. La prudence reste de mise : bien rédiger les statuts et anticiper les mécanismes de sortie ou de liquidation est souvent le meilleur moyen d’éviter ces situations délicates.
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